J’ai voyagé de nombreuses fois au Vietnam.
Seulement ce n’était qu’un succédané de voyage, voyage de pauvre qui
ne peut s’offrir le prix du transport.
J’ai pris d’assaut les bouquinistes de ma région, arpentant leurs
rayonnages à la recherche du bouquin, l’unique, celui qui me fera
encore rêver au Tonkin, à la Cochinchine. J’ai acheté à prix d’or le
dernier ouvrage traitant de cette période, sous l’œil ravi du vieux
vendeur qui désespérait de s’en débarrasser. Pensez donc une histoire
de décolonisation qui date de plus 40 ans, ça n’intéresse personne!
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Mais qu’est ce que cette gamine peut bien trouver d’attrayant à ce
fichu pays ?
Cette gamine, c’était moi ! A 20 ans au lieu de penser aux garçons, je
pensais à l’Asie, principalement au Vietnam. Mais j’avais une excuse.
Mon très cher père qui y a passé son enfance, m’a bercé de ses
histoires d’annamites, d’opium et de concubines…
A 40 ans, en compagnie de mon époux, j’ai pu réaliser mon rêve.
Visiter ce pays. Un voyage de 15 jours avec une agence. Pas de quoi
s’imprégner vraiment, j’y suis retournée une deuxième fois, puis une
troisième et un jour le destin s’en ai mêlé.
46 ans. Divorce. Perte de mon emploi. Plus vraiment d’obligation de
vivre en France. Je décide de franchir les quelques 15000 Km qui
feront de moi une Vietnamienne d’adoption.
Avec l’aide de quelques amis, j’ai été mise en contact avec une
association qui envoyait des livres de bibliothèques et de classes
dans les pays d’Afrique.
Leur ayant parlé des besoins des écoles francophones du Vietnam,
l’association m’a proposée de partir en éclaireur. C’est ainsi
qu’armée d’un visa de 6 mois et d’un budget de 1800 euros, j’ai pu
partir direction Hanoi et ensuite tout le nord Vietnam pour visiter
collèges et écoles et évaluer leurs besoins.
De France, je n’ai emporté que mon appareil photo numérique et
quelques photos familiales. Le reste, vêtements, produits de soins,
médicaments… ce sera couleur local.
Toute ma famille a tenté en vain de me dissuader de ce voyage
- Tu es trop vieille, quand même 46 ans! C’est loin. Tu vas te
retrouver seule.
Rien n’y a fait, le temps de parcourir les 800-900 Km qui me séparent
de mes parents et de ma sœur, bisous au revoir, je vous enverrai des
e-mails et des photos …
J’étais déjà de retour pour prendre mon avion.
Pleurs, embrassades à l’aéroport. Mes enfants sont effondrés de me
voir partir
- « Maman, réfléchis, c’est loin. Es-tu sûre que tout va aller?
- Ne pleurez pas, je me sens heureuse là bas… je reviendrais… peut
être… Je vous enverrais des e-mails chaque jour ».Allez laissez moi
partir …j’en ai réellement besoin. Du voyage, je n’ai rien vu. Trop
stressée, ai-je eu raison ? Ai-je eu tort ?
Tant pis je suis dans l’avion et je ne peux reculer.
Hanoi! Enfin
Arrivée aéroport d’Hanoi, toutes mes craintes, mes regrets s’envolent
J’y suis et j’y serais bien.
Je n’ai pu récupérer mes bagages ceux-ci étaient restés bloqués à
Bangkok, lors de l’escale. Moi qui ne voulais pas m’encombrer de
produits français, je me retrouvais sans aucun vêtement de rechange !
Mes bagages absents, ce n’est pas un problème pour moi, j’irais à la
superette de la rue Lê Thai To, rue qui longe le lac Hoàn Kiêm. Mon
hôtel s’y trouve à 5 minutes.
Après une bonne soupe de riz au poulet « com pho ga » j’ai retrouvé ma
promenade habituelle du bord du lac. Il faisait très chaud. Aucun
souffle de vent, un soleil de plomb.
Les bruits s’amplifiaient au fil du temps, l’air devenait
irrespirable. Quand soudain le vent s’est levé en rafale, les nuages
grossis d’eau sont devenus noirs, très noirs, ils se sont fait la
course pour s’entrechoquer dans un fracas épouvantable. Sur terre,
tous les êtres vivants, humains, animaux, se sont mis à courir en tout
sens, transportant paniers, denrées alimentaires, enfants, vélos. Tout
fut rentré, rangé, mis aux abris en un temps record. Moi, je suivis
une famille dans son unique pièce, d’un sourire ils m’ont acceptée.
J’étais étrangère mais avec ce que le ciel nous préparait, la couleur
des gens et leur culture n’ont pas de mises. Protéger, aider, aimer.
L’orage a éclaté violent, destructeur, envoûtant, la tornade prémisse
de l’été a tout embarqué. Hanoi s’est retrouvé dans le noir, balayé,
emporté dans des trombes d’eau. Les rues, les maisons ont été inondées
en l’espace de 10 minutes. Les cieux se sont déchaînés, ils avaient
une colère à exprimer. Pendant une heure nous avons vécu le fracas.
Et puis doucement le vent s’est calmé, la pluie a diminué d’intensité
et le calme est revenu. Dernières gouttes, première sortie. Les
humains, un peu abasourdis, ont découvert les dégâts. Des arbres
abattus, un poteau téléphonique à terre, des vélos renversés mais rien
de bien inhabituel pour ce pays. Aussitôt chacun s'est mis à l’ouvrage
pour relever, renflouer, nettoyer. J’ai aidé ma famille d’accueil
anti-déluge à passer la serpillière dans la pièce. Ensuite comme la
vie a repris son cours, nous nous sommes assis sur des petits
tabourets à même le trottoir et nous avons bu un verre de thé.
À l’hôtel, ne me voyant pas revenir, les jeunes filles de la réception
s’inquiétaient de savoir où j’étais.
Premières heures au Vietnam, première tornade, pour une touriste
voyageant seule cela pouvait être traumatisant!
Dans un mauvais Anglais je leur ai expliqué que j’avais été hébergée
chez une famille et que ce n’était pas ma première rencontre avec leur
pays.
Et quand je leur ai dit que j’étais là pour envisager d’y vivre
définitivement, les jeunes filles se sont collées contre moi en me
disant : tu l’aimes notre pays, tu verras, tu seras bien là. On va
t’aider à trouver un appartement, ce n’est pas facile, mais peut-être
que tu peux vivre chez des familles. Tu sais, il y en a qui n’ont pas
beaucoup d’argent et qui peuvent te louer une chambre ».
J’étais chez moi, ce pays j’allais pouvoir y vivre, les gens ne sont
pas compliqués, ne posent pas de questions, ils vous acceptent tout
simplement et vous y restez en toute simplicité.
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