Portugal
: Lisbonne
Lisbonne aurait beaucoup changé. Lisbonne serait devenue la
dernière capitale branchée après l'Exposition universelle de 1998 et
son florilège de chantiers : une nouvelle gare, un nouveau pont, le
Parc des Nations et… surtout les désormais fameux " docas ", ces
anciens docks alignés au bord du Tage, aujourd'hui réhabilités et
reconvertis en restaurants, bars et discothèques. Quinze ans. Quinze
ans que je n'y étais pas revenue. C'est donc vaguement inquiète que je
retournai vers la ville des poètes. Y retrouverais-je l'Alfama tel que
je l'avais connu, avec ses ruelles où l'on faisait griller les
sardines sur le pas de sa porte ? Y retrouverais-je les vieux tramways
bringuebalant sur le pavé ? Y retrouverais-je l'ambiance propre à
cette ville hors du temps et de l'espace, comme détachée du continent
et à la dérive vers son glorieux passé ? Y retrouverais-je la ville
blanche d'Alain Tanner ?
Je suis arrivée par le train de nuit à la gare Santa Apolonia, aux
portes de l'Alfama. Pour rejoindre mon hôtel, j'ai choisi de traverser
à pied le quartier. Me plonger aussitôt dans le bain. Comme autrefois,
sa beauté m'a saisie. Ses ruelles en pente, ses trottoirs en escalier
si finement pavés, ses maisons colorées, certaines ornées d'azulejos,
vestiges de la splendeur d'autrefois. Ses rues pleines de vie. Et
aussi cette lumière éclatante, venue de l'Atlantique. J'avais oublié
la rudesse des côtes à gravir. Le moindre détour atteint des dénivelés
impressionnants. On évite de se perdre. De nouveau, j'ai été
subjuguée.
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Qu'a donc cette ville ? Quel est son mystère ? Pourquoi a-t-elle
inspiré tant d'écrivains, de poètes, de cinéastes ? J'ai posé mon sac
avant de partir aussitôt à sa rencontre. Passée l'animation bigarrée
de la Baixa, j'atteins les hauteurs du Bairro Alto, quartier
mi-populaire mi-branché. Une longue éclaircie fait place à une
copieuse averse. La Toussaint approche. Température idyllique, 25°,
ondées bienvenues. Réminiscence tropicale.
Ici, tout glisse, sans violence. Les voitures foncent, mais sans
agressivité. Au piéton de s'écarter. C'est une règle implicite à
laquelle chacun se conforme. Dans une ruelle de la Bica, autre
quartier populaire situé entre Tage et Bairro Alto, je tente
d'arracher un sourire à la prostituée qui me fixe durement. À peine en
obtiens-je une esquisse. Au bout de la ruelle, un panorama somptueux
s'offre à mes yeux. Au loin se dresse la silhouette nette d'un
araucaria, fiché sur le flanc d'une colline. Le vent souffle de
l'Atlantique. Passe un nuage chargé de pluie, cerné d'une lumière
orange. Six heures du soir. Trois gouttes tombent. La lumière est
devenue blanche. Un enfant chante. Sa fenêtre est ouverte. On l'entend
depuis la rue. " Mario ! " Sa mère l'appelle. Une odeur de friture
flotte. Un tramway crisse sur ses rails. C'est l'heure où l'on rentre
du travail, où les enfants font leurs devoirs et les mères de famille
la cuisine. Les étudiants sortent de cours, leurs classeurs sous le
bras. Un chien aboie, nerveux, comme avant la tempête.
Au détour d'une rue, le Tage apparaît, majestueux. Il a pris des
teintes d'huître. Le Miradouro de Santa Catarina est un point de vue
exceptionnel sur la mer dite " de paille ", à l'écart de l'agitation
citadine. L'averse me surprend. De nombreux jeunes se pressent autour
d'un kiosque. Un lieu de rendez-vous prisé des étudiants lisboètes ?
Mais l'évidence me saute aux yeux : assis sur la pelouse du belvédère,
deux gamins préparent leur dose. Les jeunes affluent de toutes parts
vers le petit square qui domine le Tage. On dirait que tous les
junkies de la capitale s'y sont donné rendez-vous. Comme des hordes
affamées, ils arrivent, sauvages, paumés, depuis les rues attenantes.
L'averse ne les arrête pas. Un jeune couple enlacé attend,
recroquevillé sous la pluie contre la grille qui surplombe les docks.
Un 4X4 bleu acier avance lentement. Ce sont les dealers qui arrivent.
Je m'éloigne. En repartant, je croise trois étudiantes maigrichonnes
qui pressent le pas. Elles ont à peine vingt ans.
La nuit tombe. J'atteins une ruelle à la pente vertigineuse. Au
centre, courent les rails du funiculaire de la Bica. Les trottoirs
sont en escalier. Un enfant s'exerce à la flûte. Deux voisines
conversent depuis leur fenêtre. Un chat blanc miaule, vautré sur le
rebord d'une fenêtre. À l'intérieur, une vieille tousse. Un rire fuse.
Une télé s'allume. Je m'émerveille de tous ces petits bruits qui
colorent la ruelle. Aucun de ces sons ne se mélange ni ne se détruit.
Au contraire, ils s'ajoutent, formant un riche ensemble sonore. Je
réalise qu'aujourd'hui, dans la plupart des villes, on n'entend plus
rien qu'un vacarme continu. Mais ici, dans ce quartier escarpé, les
voitures sont rares. Plus bas, deux garçonnets se font leurs
confidences assis sur le pas de leur porte. Le pavé mouillé luit. Il
fait très doux. J'ai l'impression d'être dans un théâtre.
On m'a parlé d'une certaine Dona Rosa, une vieille femme aveugle qui
chante dans les rues en s'accompagnant d'un triangle. Il paraît
qu'elle a une voix merveilleuse. J'ai entendu parler d'elle jusqu'en
France. Un producteur autrichien l'aurait remarquée et emmenée en
tournée en Europe. Elle aurait même sorti un CD. Où la trouver ? On me
dit qu'il lui arrive encore de chanter rua Augusta, une des rues
piétonnes et touristiques de la Baixa, en plein centre-ville. Le
mystère qui l'entoure exacerbe ma curiosité. Star ? Mendiante ? Chaque
jour, je fais un crochet par la zone piétonnière, je m'enquiers auprès
des commerçants. En vain. Personne ne l'a vue. Et puis un jour, elle
est là, assise sur un siège pliant, son sac posé à ses pieds, devant
une vitrine. J'ai immédiatement compris que c'était elle. Elle tient
son triangle bien haut. Sa voix est une longue plainte. Je m'arrête,
en émoi. Des touristes me rejoignent. Sur son bras droit, celui qui
tient la baguette, elle a posé son CD dans l'espoir de le vendre. Son
bras gauche soutient sa canne blanche. Sa voix ne me bouleverse pas.
Je n'ai plus envie de la questionner. Lâchement, sans lui demander son
accord, je la photographie. Et alors que je désirais tant la
rencontrer, je reste dans l'ombre avant de passer mon chemin.
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