Mercredi 31 Janvier : après 18 mois passés à Berlin, je reprends le chemin de la France. Ma dernière image de Berlin est fidèle à la réalité : il neige à gros flocons et la température avoisine les -5°C. Je pars juste à temps. Ici,l'hiver n'en finit pas, et peut s'éterniser jusqu'en Avril. Moi c'est le ciel bleu de la provence qui m'attend. Vivement Avignon! Mais ce sont les circonstances de mon départ qui m'offrent le luxe de quitter Berlin sans nostalgie : dans deux mois, je pars faire le tour du monde. Et puis d'ailleurs, je ne pars pas sans un pincement au coeur. Plus qu'une ville, jequitte une ambiance, un environnement, une façon de vivre.

Berlin, c'est une capitale! Officiellement depuis peu, certes, mais elle en a toujours eu le statut, du moins au niveau culturel et historique. D'emblée, on pense au mur tombé il y a à peine dix ans. Puis, en remontant plus loin,reviennent en mémoire les images de la sombre époque du nazisme, avec ses autodafés, ses cérémonies grandiloquentes, ses défilés sinistres.

Aujourd'hui, la ville déborde d'activité. Il suffit d'ouvrir le Tip ou le Zitty, les deux guides sorties de la ville, pour savoir qu'ici, il est impossible de s'ennuyer : Marchés, expositions, fêtes de rues, visites thématiques, lectures, vernissages, soirées, Il y en a pour tous les goûts. Une envie de ciné? Direction la Brotfabrik, où ils organisent justement un rétrospective Peter Jackson. Les amateurs d'underground se laisseront tenter par la toute petite salle du sputnik, qui rappelle l'ambiance des cinémas de quartier.

Un concert? oui, mais lequel? Entre la philharmonie, la salle de musique de chambre, les deux opéras, la salle de concert de Berlin, les concerts donnés dans les églises, le mélomane a de quoi hésiter. Plus jazzie, les clubs A-trane et B-Flat séduiront l'amateur de cuivres, contrebasses et autres big band. Mention spéciale au Yorckschlosschen, dont le pianiste Hernie sévit deux fois par semaine pour le plus grand bonheur de tous les habitués.

Mais Berlin, c'est avant tout la vie la nuit. Et pour cause! Le couvre feu ici n'existe pas, et les bars restent ouverts tant que les clients ont soif.
Branchés, les bars de Schöneberg sont le repère de la communauté homo (une personne sur dix à Berlin, on comprend mieux le succès de la gay pride). Les filles sont plutôt belles, les garcons plutôt classes, les cocktails plutôt chers.Pour trouver plus authentique, choisissez Kreuzberg : Quartier le plus à l'Est de Berlin Ouest à l'époque du mur, Kreuzberg était le quartier des Berlinois peu friqués et des étrangers, majoritairement turques (après Istanbul, Berlin est la deuxième ville turque en terme de population). On y trouve des bars cools où on vient boire un coup sans se prendre la tête. A ne pas manquer, le Konrad Tönz, avec sa déco kitschissime , son papier mural orange et vert plus seventies tu meurs, ses sièges dignes des meilleurs épisodes de Star Trek, et surtout son DJ qui mixe sur des mange-disques. Carl Cox peut aller se rhabiller
(d'ailleurs c'est pas trop le genre de la maison). Les amateurs de lieux branchés se retrouvent à la limite de Mitte et de Prenzlauerberg, vers Hackescher Markt. Là, boîtes et bars se côtoient, et la drum and bass résonne au gré des DJs venus d'un peu partout. Autour de la
Rosenthaler Strasse et de la Oranienburgerstrasse, vous trouverez le WMF, le Eimer (une des dernières maisons squattées du quartier), les roter et grüner Salon (attention aux téquila partys du samedi soir), le 103, le Pfefferberg (mention spéciale au Biergarten), le Casino... Un haut lieu de la vie nocturne. Et comme une entrée coûte 30 francs en moyenne, il ne faut pas hésiter à tester plusieurs ambiances.

Cependant, ce qui est vrai aujourd'hui ne le sera pas forcemment demain. Berlin est une ville qui se transforme jour après jour. Les grues font réellement partie intégrante du décor

Tous les lieux originaux, vestiges de l'est, qui font la richesse et l'originalité de la ville sont en sursis : Berlin doit assumer son nouveau statut de capitale allemande, et à ce titre, cherche à se débarasser de ces endroits alternatifs qui dérangent. Dernièrement, le Tacheles,ancien grand magasin délabré squatté par les artistes et symbole de la vie underground, s'est vu en partie détruit pour laisser place à de nouveaux bâtiments plus convenables, et surtout plus rentables. On dit aussi que Berlin est la ville la plus verte d'Allemagne. Il est vrai que la superficie occupée par les espaces verts atteint un quart de la superficie totale de la ville. Il est vrai aussi que la police, en habit vert, est omniprésente et veille au respect de l'ordre et de la tranquilité.

Peu à peu, au fur et à mesure qu'on reconstruit et que les immeubles font peau neuve, le centre se déplace vers l'Est, et le nouveau centre alternatif tend à se situer de plus en plus vers Friedrichshain. Les punks vont squatter d'autres maisons abandonnées, les clubs sont en perpétuels déménagements, quand ils ne ferment pas, de nouvelles adresses voient le jour, et les guides touristiques sont totalement obsolètes au bout de six mois à peine. Ca grouille de bonnes adresses, et il y en a toujours une nouvelle à tester, ou un bon plan à refiler. C'est le royaume du bouche à oreille, seul moyen de trouver les bars clandestins, cachés dans les caves, éclairés à la bougie, et ouverts en pointillés : tous les vendredis, ou tous les samedis, ou tous les multiples de 6, ... Ce ne sont pas les idées qui manquent.
Parce que l'Allemand, bien que discipliné, ne manque pas de fantaisie et pète même pas mal les plombs quand il le veut. Les idées originales, il affectionne. Par exemple, installer en plein air une centaine de machines à laver à disposition des habitants, c'est plutôt pas banal. Transformer le parvis de la Mairie en étandard géant où les gens viennent faire sécher leur linge, il fallait oser. Et si on y ajoute un hurluberlu qui déplace des ordinateurs d'une table à une autre sans autre forme d'explication, on touche le surréaliste. Mais non, voyons! C'est de l'art, Môsieur, de l'art moderne! Ici, l'art est partout, et avant tout dans la rue. Il va même jusque sur les partitions des musiciens!

Berlin, c'est aussi un art de vivre. Le Dimanche, pour récupérer de la veille,rien de tel qu'un bon Frühstück (petit déjeuner)servi jusqu'à une heure avancée de l'après-midi. Plusieurs cafés, comme le Morgenland, proposent même des buffets où pour 50 francs on peut manger à volonté fruits, céréales, charcuterie, pâtes, salades, crèpes, le tout accompagné d'un rafraîchissant Apfelschorle (jus de pomme mélangé à de l'eau gazeuse). Durant les beaux jours, il est agréable d'aller se promener dans le Tiergarten, immense parc situé juste derrière la célèbre porte de Brandburg, et dans lequel les Berlinois viennent volontiers pique-niquer en famille, entre amis, ou les deux. D'autres prennent le métro pour aller se baigner dans les lacs qui entourent la ville, ou suivre en vélo les sentiers qui traversent les bois environnants. Etonnant pour une capitale, non?
Berlin allie la richesse d'une grande métropole à la qualité de vie d'une ville de Province. Située en plein coeur de l'ex-RDA, elle fonctionne au rythme plus tranquille de l'Est, et n'affiche pas encore les prix exorbitants d'une capitale compte tenu du retard économique qui, dix ans après la chute du mur, n'est pas encore rattrapé (une consultation chez un médecin à Berlin Est coûte encore 20% moins cher qu'à Berlin Ouest!).
Il est encore temps d'en profiter, avant que la normalisation dû au statut de la ville ne vienne changer tout ça. Mais dépéchez vous, tout fout le camp, ma brave dame...

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